• Les plateaux du Carlaveyron

    Les plateaux du Carlaveyron

     

    9 Août 2020

     

    Les Houches / Chamonix

     

    2020 a été marquée par une crise sanitaire qui a chamboulé nos habitudes. Des contraintes ont modifié nos vies. Nos passions loin des foules ont subi le même sort et nous avons attendu que l’ambiance se détende pour planifier à nouveau quelques sorties apaisantes et tant appréciées.

    Après quelques randonnées dans le Jura et la Haute-Savoie, je décide de faire un bivouac dans la région de Chamonix. Mon fils ayant dû freiner ses ardeurs d’ascension fougueuse pour cause de souci au genou, il me fallait trouver un itinéraire raisonnable pour lui et pour mon dos qui allait s’accommoder du surplus de charge.

    Mont Blanc

     

    Donc l’objectif de cette sortie est d’aller bivouaquer sur les hauts plateaux de la réserve naturelle du Carlaveyron en empruntant le téléphérique du Brévent. Dans l’idée de fuir les masses, le téléphérique était la seule étape qui nous rapprochait de la société dans laquelle le port d’un masque en papier devenait une normalité.

    Une fois en haut, notre balade peut débuter. Comme à chaque bivouac avec mon fils, je suis toujours excité. Partager avec lui ce moment unique en montagne est une immense bouffée de plaisir.

    Contrairement à l’accoutumée, notre chemin tout en descente quitte le sommet du Brévent à 2525m pour rejoindre les plateaux herbeux à 2200m.

    Nous quittons donc l’ambiance très minérale par un petit sentier qui ne ménage pas nos genoux et notre dos encore engourdis. Mais le panorama est parfait, sur l’aiguille du midi, le Mont Blanc, la réserve du Carlaveyron, l’aiguillette des Houches, le lac du Brévent, plus loin, les Rochers de Fiz, le col d’Anterne et celui qui nous guette du coin de l’œil, le Buet qui m’a aussi offert un bivouac mémorable.


    Carlaveyron

     

     

    Le chemin serpente dans des blocs de granite, et il nous faut anticiper chaque pas, le poids du sac ne pardonne aucune approximation. Un peu plus bas, alors que nous progressons entre quelques falaises, mon fils qui avait pris un peu d’avance, me montre quelque chose mais je ne comprends pas son signe. J’entends « L’oiseau… là, derrière le rocher… » Je ne vois rien. Mais soudain j’aperçois une boule de plume qui s’approche bien de moi et me laisse le temps de bien regarder ses belles couleurs rouge, noir, blanche grise. Son long bec et l’effet d’éventail lorsque ces elles sont déployées. Là, plus de doute, c’est un tichodrome échelette. Mon appareil photo bien évidemment au fond du sac, seul le plaisir des yeux conserva ce souvenir. Mon fils lui, avait déjà dégainé la quincaillerie, mais pas assez vite pour ce petit oiseau trop dynamique. Même en allant l’espionner derrière le rocher où il avait disparu, il n’a pu retrouver sa trace, mais en revanche, il put apercevoir discrètement un chamois qui s’abritait de la chaleur.

    Nous reprenons notre balade. Le chemin arrive vers un petit promontoire et tourne un peu à gauche. En faisant une petite halte, nous voyons au loin plusieurs oiseaux planner majestueusement. Grande envergure, déplacement en groupe, nous pensons tout de suite à des vautours. Quelques secondes plus tard, la supposition est confirmée. Nos habituels planeurs des montagnes sont fidèles au rendez-vous, ils nous survolent même assez près, comme pour nous dire bonjour. Cette fois, j’ai pu capturer le passage.

    Vautour fauve

     

     

    Vautour fauve

     photo : Martin Jeanmonod

     

    Le Brévent est un site très prisé pour le parapente. J’aurais pensé que cette activité représenterait un dérangement certain pour la faune, mais chose amusante avec ces oiseaux, c’est presque le contraire, j’ai pu les observer durant tout le week-end et ils n’hésitaient pas à voler en compagnie des parapentistes !

    Nous arrivons en vue du refuge de Bellachat et pénétrons dans la réserve naturelle. Le paysage change radicalement, les blocs de granite font place à des plateaux herbeux et marécageux, parsemés de rochers recouverts partiellement de mousse et de lichens.

    Carlaveyron

     

    Les hauts plateaux de la réserve possèdent un biotope magnifique. Tourbières, gouilles, marais, un paysage apaisant et plein de verdure. Il parait que l’on peut y apercevoir des droseras, mais je n’en ai pas vu, peut-être pas la bonne période ou le bon endroit.

    Les gouilles recueillent les eaux des ruisselets environnent en nous offrant de splendides reflets sur la chaîne du Mont Blanc. Ce sont aussi un repère pour de magnifiques libellules, des Aeschne bleues.

    Aeschne bleu

     

    J’ai lu que nous pouvions rencontrer des Cordulie des Alpes, une autre libellule typique des zones humides alpines. Mais à l’instar des droseras, je n’ai pas eu la joie d’en admirer.

    En revanche, nous avons trouvé d’autres espèces végétales présentes dans ces zones humides, le rubanier à feuilles étroites, ainsi que d’autres fleurs telles que ces silènes des rochers ou les petites astrances, qui viennent embellir les abords des gouilles et font le bonheur de ma composition.

    Silène des rochers

     

    petite astrance

     photo : Martin Jeanmonod

     

    L’après-midi s’installe tranquillement. Je suis étendu sur le gazon alpin et profite de l’instant présent. Je laisse mon regard se balader sur les montagnes, divaguer entre les nuages. J’ai beau avoir souvent l’occasion d’apprécier les sommets des Alpes du Nord, je suis toujours émerveillé comme au premier jour quand je regarde la chaîne du Mont Blanc.

    chaine du Mont Blanc

     

    Mais, mon fils en état d’alerte, me sort de ma léthargie. « Regarde les vautours là-bas… ils plongent, il doit y avoir une charogne ! » Et en effet, nos charognards qui d’habitude, effectuent de grandes traversées en planant et en esquissant à peine un battement d’ailes, se sont mis en piqué pour arriver au plus vite sur le lieu de ravitaillement.

    Ni une, ni deux, mon fils armé de son téléobjectif est déjà dans les starting-blocks. N’ayant pas encore monté la tente, je ne veux ni abandonner mon sac pour aller observer les vautours, ni me coltiner ses 23 kg jusque là-bas. Aussi je décide de monter la tente rapidement, lui m’abandonne sans vergogne pour rejoindre le lieu de la curée.  

    Vautour fauve

     photo : Martin Jeanmonod

     

    Evidemment, je le rejoins un peu tard. Trop, en tout cas pour observer un autre individu qui est venu s’inviter au festin. Un Gypaète barbu. Il venait voir si la carcasse était déjà bien décharnée afin dans prélever les os dont il se nourrit principalement.

    Je l’ai observé et immortalisé lorsqu’il s’éloignait. Mais mon fils de retour avec un sourire qui en disait long a réussi à le photographier d’assez près. Je le jalouse un peu mais suis tellement content pour lui. Je vous laisse apprécier les images de Martin.

    Gypaète barbu

     photo : Martin Jeanmonod


    Gypaète barbu

      photo : Martin Jeanmonod

     

    Il me décrit la scène des vautours avec précision. Leur façon de se nourrir, leur posture. Ces géants des airs qui s’intimidaient, ailes écartées. Tous s’affairaient autour d’un cadavre de mouton prédaté par des loups. Notre cher canidé ne va pas s’attirer les bonnes grâces des bergers, mais en tout cas par son action il a su nous offrir un beau spectacle.

    Vautour fauve

     photo : Martin Jeanmonod

     

    En revenant vers la tente, c’est encore un autre charognard qui manifeste son intérêt. Le grand corbeau et son bec puissant, qui se tient, pas loin, sur un promontoire pour juger la situation.

    grand corbeau

    grand corbeau

     

    L’après-midi s’étire, le soleil s’adoucit pour peu à peu arroser les montagnes de lumières agréables. Nous décidons de nous rendre vers une petite gouille, face aux aiguilles voisines du Mont Blanc.

    La composition est sympathique, mais à mon grand désespoir, les jolis cirrus de l’après-midi ont disparu et le ciel manque de texture. Qu’importe le panorama à lui tout seul garantit des images tout de même sympathiques.

    Un joli rocher plongeant dans la gouille, bordé de quelques brins d’herbes. Un reflet splendide des montagnes, ça me plait.


    chaine du Mont Blanc

     

    Les montagnes sont spectaculaires. De glace et de granite, elles imposent leur impassible présence. 

    montagne

    Les Drus

     

    Le plateau où nous nous trouvons est relativement désert, une tente un peu en contre-bas. Quelques-unes au loin, à proximité du refuge de Bellachat. Lors d’un bivouac, on apprécie cette tranquillité, la solitude de l’ambiance sauvage.

    Carlaveyron

     

    Les couleurs s’embellissent de minute en minute. Deux personnes nous rejoignent, je remarque très vite leur matériel – qui ressemble au notre – qui trahit leur but, nous engageons la conversation et faisons connaissance. Ils viennent pour le même objectif que nous, capturer de belles images au moment où les lumières sont au rendez-vous. C’est toujours agréable de partager ces moments avec d’autres photographes, vibrer pour les mêmes raisons, pour la même passion. Pour la petite histoire, le photographe qui nous a rejoint fait partie d’un collectif qui organise de séjours et des workshops. Je ne le connaissais pas, mais connaissais ses collègues. Il organisait un séjour photo de paysage montagne.
    Ce fut une bien belle surprise que de le rencontrer.

    chaine du Mont Blanc

    Mont Blanc

     

    La nuit s’installe gentiment, nous prenons congé de nos camarades en nous donnant rendez-vous le lendemain pour le lever de soleil.
    De retour à la tente, mon fiston ne demande pas son reste et rejoint ardemment son sac de couchage.

    Pour ma part, je ne peux me résoudre à terminer la soirée sans profiter de ce beau ciel étoilé. La pollution lumineuse reste acceptable malgré la vallée de Chamonix malheureusement bien éclairée. Petit à petit mes yeux s’habituent à l’obscurité, le Mont Blanc est majestueux et dévoile une magnifique voie lactée qui le chapote. Je m’imprègne de ce moment privilégié. J’ai l’impression d’être ailleurs, de me noyer dans l’immensité de l’univers, de flotter dans les cieux.
    Je capture cette belle voie lactée qui surgit du Mont Blanc telle une autoroute astronomique.

    Voie lactée

     

     

    Cerise sur le gâteau, nous sommes dans la période de Perséides, quelques beaux événements se déroulent justement dans cette période et cela me pousse à prolonger la veillée. Et le ciel me le rend bien car c’est un spectacle céleste qui se joue devant mes yeux, de belles étoiles filantes lacèrent le ciel à intervalle répété.

    Une soirée qui s’achève dans l’harmonie, je m’installe dans mon sac pour un réveil matinal.

    une nuit en montagne

     

     

    Le réveil sonne, il est 4h30. Une heure impensable pour certain, mais parfaite pour moi. J’ouvre la tente, le ciel est clair et bien étoilé. Mon fils se réveille aussi, motivé à capturer ce lever de soleil.

    Quelques minutes plus tard, nous sommes prêts pour rejoindre le spot. Les montagnes sont belles, elles vont nous offrir un beau moment, c’est évident.

    Notre petite gouille nous révèle un reflet magistral sur les montagnes du Mont Blanc. Les étoiles scintillent encore pour une poignée de minutes. Elles meublent parfaitement un ciel malheureusement trop dégagé.

    chaine du Mont Blanc

     

    L’aube s’installe et avec elle des lumières insolites illuminent le ciel qui découpent les cimes.
    Entre temps nos amis de la veille nous ont rejoint et on partage des impressions et des anecdotes.
    Puis l’astre tant attendu caresse les plus hauts sommets pour notre plus grand bonheur.

    Mont Blanc sunrise

     

     

    Puis les étendues vertes et les montagnes aux alentours, sont également baignées par la douce chaleur naissante. C’est un moment de sérénité qui nous plonge dans le calme, et on en profite !

    Mais l’heure tourne et nous saluons nos amis et regagnons notre tente.

    Carlaveyron

     

     

    Arrivé vers la tente un troupeau de mouton se dirige droit vers nous avec évidemment leur lieutenant de sécurité qui ne m’inspire pas forcément confiance. On décide de les laisser passer en attendant dans la tente. Un moment plus tard, les cloches s’éloignent. Et nous pouvons enfin faire chauffer l’eau du thé ! La cohabitation peut se révéler parfois délicate avec le pastoralisme, mais voilà, il faut faire avec. Malgré tout le respect que j’ai pour cette activité, je comprends assez la difficulté qu’ils ont pour tolérer les grands prédateurs. Heureusement, certains comprennent les enjeux et acceptent de partager la montagne et la nature.

     

    La matinée se consume, nous plions la tente et prenons la direction du refuge de Bellachat. Un joli petit chalet accroché à la pente, face au Mont Blanc. Bien placé, il est fort probable qu’on y revienne pour profiter d’un séjour en montagne sans les kilos du bivouac.

    La journée est belle, et nos têtes sont déjà remplies de belles images.

    En remontant, nous décidons de prendre un chemin un peu écarté de l’itinéraire principal. Moins fréquenté, plus propice aux rencontres de la faune sauvage, nous espérons encore revoir cette petite flèche rouge, gris-noir, notre tichodrome. Aperçu la veille, mon fils connait parfaitement ses mœurs et son habitat. Et en effet, nous apercevrons le bel oiseau de manière furtive.

    En continuant notre balade, nous voyons quelques marmottes et leur marmottons, se promener dans les enrochements.

    En regardant autour de nous, quelques passereaux nous suivent. Peu farouche, et jouant sur les arrêtes de granites, des rougequeues noirs nous donnent encore une belle excuse pour sortir les téléobjectifs et capturer ces visiteurs.

    rougequeue

     

    D’un gabarit bien plus imposant, ce sont d’autres occupants des airs qui viennent planner.

    Les vautours fauves réalisent de grandes trajectoires linéaires, et nous remplissons encore nos cartes mémoires. Ils nous accompagneront presque jusqu’au terme de notre balade.

    La télécabine du Brévent est à quelques lacets. On regarde derrière nous pour contempler une dernière fois ce magnifique haut-plateau du Carlaveyron. Il nous a dévoilé son grand potentiel tant en termes de paysage que les merveilles de la faune et la flore.

    Carlaveyron

     

    Je vous propose une balade animée du séjour.

     

     

     

    Une fois n’est pas coutume, nous jurons d’y revenir. Ce fut une découverte fantastique. La nature nous a encore comblé.

      

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