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Sérénité forestière
Sérénité forestière
17 Avril 2021
Pays de Gex, AinJe me balade souvent autour de chez moi à vélo ou à pied, et malgré cela, je me surprends après une vingtaine d’années dans le coin, à découvrir des lieux magnifiques à deux pas de la maison.
Et quoi de mieux que le printemps pour profiter de l’éveil de la nature, de l’excitation de la faune et de la beauté des fleurs.
Une belle rivière coule aux portes du village, l’Allondon. Depuis sa source au-dessus d’Echenevex qui libère ses eaux dans un écrin de verdure somptueux, elle sillonne la plaine du pied du Jura pour traverser la frontière et terminer son chemin en Suisse, et affluer dans le Rhône.
D’une longueur de 22km, son débit peut devenir important après les grandes périodes de pluie (jusqu’à 7m/sec.), mais se réduire drastiquement lors des sécheresses. Elle est issue d’une résurgence du Jura qui s’écoule depuis un aplomb rocheux garni de mousse verdoyante.Je me rappelle d’un jour, c’était en janvier, après quelques jours intenses d’une pluie battante, la fureur de la rivière a fait exploser son débit. L’eau débordait du petit muret au pied de la source dans une énergie impressionnante. Sachant qu’en temps normal, ce muret domine le cours d’eau d’au moins 1m50 à 2m.
La configuration du terrain à sa source, dans cette vallée encaissée, favorise la montée des eaux. Sachant qu’en temps normal, la rivière est toute discrète, douce et calme.
Entre le XIVème et le XIXème, l’Allondon qui est un cours d’eau assez aurifère, accueille de nombreux orpailleurs. Mais la plus importante exploitation de la rivière est faite par plusieurs moulins construits également dans cette même période. Parmi eux le moulin de Naz construit au XIVème le plus vieux moulin du site, qui fut converti en habitation au XVIIIème. On notera aussi le moulin de Crozet construit en 1831, utilisé principalement pour moudre des céréales et des noix pour en faire de l’huile. Il restera en activité pendant un siècle.
Les moulins qui furent construits le long de la rivière, ont permis une grande diversité d’activité. Moudre le blé bien sûr, mais aussi forge, scierie, laminoir, marteaux, cylindre à papier. Ainsi, un véritable pôle d’activité s’est mis en place autour d’eux. Les ruines de certains d’entre eux sont encore visibles, le long du cours d’eau.
Cette rivière me fascine, son histoire, sa beauté, sa riche biodiversité, sa source, sa simplicité, sa discrétion. J’ai donc décidé d’y passer plus de temps afin de m’y ressourcer.
Ce matin c’est une balade solitaire, le long de la rivière pour m’imprégner de la tranquillité des lieux.
Je pose mon vélo contre un arbre et je suis un petit sentier qui me conduit vers le cours d’eau. En chemin je m’attarde sur les arbres qui m’entourent pour écouter le champ des passereaux.Dans ce réveil printanier, tout ce petit monde est en effervescence pour un nouveau cycle. Le passage de l’hiver leur a donné une belle énergie pour concevoir un nid, trouver un ou une partenaire, procréer, et perpétuer l’espèce. Ainsi va la vie. Et là, sur une branche en plein sérénade, j’observe un joli pinson des arbres. Un peu plus loin, c'est un grimpereau qui s'agrippe à l'écorce d'un arbre. J’aime beaucoup apprendre à reconnaître leurs chants et leurs cris, c’est le principal et souvent le seul indice de leur présence. Certains sont redoutablement farouches et discrets. D’autres moins, à l’image de cette mésange charbonnière, curieuse et amusante.
Puis c’est un milan noir qui vient me survoler. Ce rapace devient très commun dans la région. Oiseau migrateur, qui est présent dans notre région dès la fin de l’hiver jusqu’à la fin de l’été. Il entame ensuite un long voyage jusqu’en Afrique du Sud. Plutôt grégaire, cet oiseau vie et vole volontiers en groupe, là où la nourriture est abondante. En l’occurrence, je les vois souvent voler autour d’une ferme dans le village, probablement une mine d’or pour s’alimenter. On peut même y apercevoir plusieurs nids.
Je poursuis ma balade avec le sentiment que le temps s’est arrêté pour me laisser profiter de l’instant. Je chemine vers le torrent.
Premier arrêt devant une petite cascade provoquée par les vestiges de l’aménagement du cours d’eau pour alimenter un canal permettant certainement d’utiliser sa force motrice.Je reste de longues minutes le regard figé sur le filé de l’eau avec des centaines de pensées. C’est cela que l’on appelle la tranquillité.
Un sentier confidentiel suit la rivière. Il serpente au milieu d’une végétation parfois dense, parfois clairsemée, mais toujours riche en faune et flore. Je prends volontairement le temps d’apprécier les petits recoins de nature qui finissent par me révéler leurs merveilles. Florilège de couleurs, d’harmonie, de formes tout en douceur. Ici un populage des marais les pieds dans l’eau, par-là, une euphorbe et ses fleurs tout arrondies telles les caméras de la forêt.
Derrières ces petits trésors gorgés de chlorophylle, je trouve un petit bras du cours d’eau dans lequel baigne un vieux tronc recouvert de mousse. Je me pose à côté et imagine les milliers de petits organismes qui s’épanouissent, en symbiose dans ce milieu. Et tout cela dans un espace somme toute, assez restreint. Je prends une fois de plus conscience de la fragilité de ces biotopes.
Je poursuis, le sentier qui m’amène devant une petite flaque qui est une aubaine pour la flore environnante. Derrière, de grands arbres recouverts de lierre, se reflètent dans l’eau. Tout y est en équilibre.
J’ai déjà parcouru une bonne distance et me voilà devant un pont pour le moins rustique !
Dois-je avoir confiance, ou vais-je augmenter rapidement et dangereusement ma proximité avec l’eau ?
Deux poutres, ici depuis sûrement longtemps, font office de passage.La perspective ne le montre peut-être pas mais la longueur des morceaux de bois doit bien faire 5 ou 6 mètres, et ils surplombent la rivière de deux mètres. Je n’ai pas trop droit à l’erreur, mais n’ai pas non plus beaucoup d’autres options. Je sonde comme je peux la résistance. On dirait qu’il ne va pas s’effondrer aujourd’hui. Je me lance…
Sans m’attarder, plus qu’il ne le faut, je traverse d’un pas décidé. La souplesse de l’infrastructure me procure un petit pic d’adrénaline. Mais ce passage presque naturel m’a laissé passer, comme s’il m’acceptait dans son monde.
Sur l’autre rive, je me laisse absorbé par le graphisme des acteurs. Un arbre, un recoin de tuf, témoignant d’une géologie très calcaire. Le mamelon recouvert de mousse laisse passer des petits filets d’eau qui construisent délicatement la sédimentation. Le végétal devient minéral.
Puis, une ombre s’agite avec ardeur sur le tronc vertical d’un hêtre. Petit mammifère aux poils roux, fidèle habitant des forêts, un écureuil passe de branche en branche et grimpe sur le tronc de l’arbre avec un habileté époustouflante.
Le décor change. Au début, boisé de feuillus, il traverse ensuite un passage plus dense de conifère complémentent recouvert de mousse, témoignant d’une forte humidité.
La rivière, façonne la rive dans un ravin escarpé. Impossible de poursuivre. Je rejoins le pré qui surplombe le cours d’eau. A la lisière du bois, je déniche un parterre de pervenches. Leur feuillage vert recouvre une grande surface au-dessus de laquelle, de beaux pétales mauves sortent de l’obscurité.Je m’attarde de longues minutes à contempler ces perles florales, puis en sortant du bois, je découvre l’univers des papillons.
Sur un parterre de cardamines, manifestement très mellifères, c’est un cortège de papillons qui vient butiner. Aurores, piérides et de paon du jour, investissent les fleurs pour déguster leur nectar.
Le paon du jour devient de plus en plus rare. Je le vois, malheureusement, de moins en moins. Durant ma jeunesse, je n’ai pas pris le temps de l’apprécier lorsqu’il venait butiner en nombre, les fleurs de ma maison.
La faute aux pesticides, aux insecticides, à l’agriculture intensive que je méprise et que je rejette. Encore une démonstration de ce que notre société détruit.
Je suis triste de perdre ces êtres beaux et fragiles.Une autre espèce que je n’ai jamais tellement remarqué, c’est le bombyle. Petit insecte, rond avec une longue trompe rigide rappelant la lance d’un chevalier. Sa silhouette affiche une forme curieuse et disproportionnée, mais tellement amusante.
Le temps qui me semblait figé, n’a pourtant pas empêché l’heure de tourner et je dois laisser le pré qui m’a offert quelques belles observations ailées. Je quitte à regret ce petit paradis, pourtant si près de la civilisation, mais qui m’arrache à elle et me transporte dans un autre monde.
Sur le chemin du retour, je croise encore quelques curieuses mésanges qui n’hésitent pas à me défier. De ce petit jeu, une petite complicité se dessine l’espace d’un instant.
Puis l’ivresse s’évapore, le rêve se dissipe, me voilà à l’orée du bois. Le sentier laisse place à la route, ma balade s’achève. Quel beau moment offert par le printemps.
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